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Mes Nuits Américaines
25 septembre 2011

The Tree Of Life, épopée métaphysique déroutante et grandiose

The Tree Of LifeAvec son nouveau film tant attendu, Terrence Malick a fait parler dans les chaumières. The Tree Of Life, épopée métaphysique, est quelque chose d’étonnant et de bouleversant. A découvrir absolument, même si ça ne plaira pas à tout le monde.

Le monde est divisé en deux catégories. Ceux qui vont adorer The Tree Of Life, et ceux qui vont le détester. Quoiqu’il existe aussi une troisième catégorie pour ceux qui vont l’adorer et le détester tout à la fois. En tout cas, le nouveau film de Terrence Malick ne laissera personne indifférent. Hué et applaudi en projection à Cannes lundi 16 mai, le film tant attendu a ému autant qu’il a déçu.

Les rumeurs annonçaient déjà la présence du film au Festival de Cannes l’année dernière. Mais c’était sans compter sur le perfectionnisme de Malick (quatre films en quarante ans, qui dit mieux ?) qui a jugé qu’il ne pourrait pas finir le montage à temps. Après un an d’attente et beaucoup d’excitation, voilà enfin le résultat : une épopée métaphysique aussi déroutante que grandiose.

Car Terrence Malick, avec ce film-somme, n’emprunte absolument pas les chemins bien tracés du film mainstream, contrairement à ce que la présence au casting de deux stars hollywoodiennes, Brad Pitt et Sean Penn, pourrait nous faire croire. Monumentale et visionnaire, The Tree Of Life désarçonne, par sa structure complexe faite d’éclats narratifs et son style visuel

Au cœur du film, l’histoire de Jack, l’aîné d’une fratrie de trois garnements, dans le Texas des années 1950. Tiraillé entre l’amour d’une mère douce et généreuse et l’autorité d’un père autoritaire obnubilé par la réussite, il développe une haine de plus en plus tenace envers son paternel. Dans une photographie à la beauté époustouflante signée Emmanuel Lubezki, Malick, pour qui tout se joue pendant l’enfance, met en scène une parabole sur la perte progressive des illusions et de l’innocence d’un petit garçon qui devient grand. Film sur la vie, la mort, l’amour, le deuil, The Tree Of Life est une chronique familiale qui prend la forme d’une quête spirituelle, métaphysique et poétique. Porté par les tourments intérieurs de ses personnages qui s’expriment sous la forme d’une somptueuse rhapsodie de voix chuchotées comme autant de prières et de questionnements à Dieu, le film ne s’offre pas de manière linéaire, mais forme une succession d’impressions, de sensations, d’incertitudes, de moments en suspens, d’instants impalpables, d’émotions indicibles, de silences et de non-dits, où s’exprime le conflit entre pulsion (nature) et raison (grâce).

Faisant de cette banlieue pavillonnaire un paradis perdu, en opposition à l’immensité et la froideur des buildings de verre et d’acier où erre le petit Jack devenu grand architecte, Terrence Malick continue de filmer avec grâce le lien charnel qui unit l’homme à la nature. Le vent s’engouffre par les fenêtres et fait s’envoler les rideaux, l’herbe devient terrain de jeux où l’on s’allonge, où l’on se bat, les arbres sont une deuxième maison, l’eau ruisselle sur les corps, le soleil les berce… The Tree Of Life est aussi un film sensoriel où le réalisateur capte et magnifie les effets d’une lumière sans cesse changeante.

Plus que Sean Penn (qui a vu son rôle diminuer comme peau de chagrin au fur et à mesure des montages successifs) ou que Brad Pitt (qui exprime avec force la frustration de ce père qui en devient violent), le film est véritablement porté par Jessica Chastain, dont c’est le premier grand rôle au cinéma, en mère troublante et troublée, beauté évanescente aux allures de vierge Marie. Et il y a cette poignée de gamins prodigieux et touchants (Malick en a auditionnés 10 000 avant de trouver les bons : Hunter McCracken, Laramie Eppler et Tye Sheridan), dont les sourires en coin, les moues tristes, les rires spontanés, les pleurs refoulés, les gestes effleurés ou les regards remplis de haine, de colère, de confiance ou d’espoir, en disent long sur la relation qui les unit. Autant d’instants d'intimité qui exacerbent l'amour et la douleur d'êtres perdus dans l'univers. Car chez Malick, le mystère profond du destin de ses personnages est guidé par quelque chose de plus grand qu’eux.

C’est ce qu’il met en image (et il y a une certaine audace à ça) dans la première partie du film. Epopée de la création du monde, allant de la formation de l’univers à l’apparition de la vie sur Terre jusqu’à l’extinction des dinosaures, ce prélude, qui a tout son sens dans la symphonie malickienne allant de l’infiniment grand (le big-bang initial) à l’infiniment petit (les rapports humains), prend aussi le risque de décontenancer. Les critiques ont d’ailleurs tôt fait d’ironiser sur les plans type « Jurassick Park », « Yann Arthus Bertrand », « Ushuaia Nature » ou « fond d’écrans Windows », mais cela ne dit finalement pas grand-chose du cinéma de Malick. Des séquences contemplatives du cosmos réalisées grâce au spécialiste des effets spéciaux de 2001, l’odyssée de l’espace, Douglas Trumbull, qui a utilisé produits chimiques, peinture, teintures fluorescentes, fumée, liquide, dioxyde de carbone pour créer un univers spatial, mental et onirique sublime, porté par le Requiem de Berlioz, côtoient ainsi des envolées lyriques sur les merveilles naturelles que recèle notre planète, volcans en fusion, chutes d’eau vertigineuses, forêts immenses et déserts infinis.

Film de peu de mots, au récit ténu et à la dramaturgie habituelle oubliée, The Tree Of Life exprime avant tout la virtuosité d’un cinéaste qui ne s’exprime qu’avec son langage à lui, la lumière, les sons et la musique (signée Alexandre Desplat), le cinéma en somme. Cet arbre de vie hors norme restitue toutes les dimensions de l’existence et se ressent comme un éblouissement face à la beauté du monde. Et Malick, démiurge du septième art, de repousser toujours plus loin les frontières du cinéma.

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The Tree Of Life, de Terrence Malick

avec Jessica Chastain, Brad Pitt, Sean Penn

Sortie le 17 mai 2011

the tree of life

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