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Mes Nuits Américaines
21 avril 2011

Tomboy, chronique lumineuse et intelligente sur l'enfance

TomboyAvec Tomboy, Céline Sciamma livre un deuxième film beau et juste sur les incertitudes de l’enfance.

 

Quatre ans après le très prometteur Naissance des Pieuvres, dans lequel Céline Sciamma auscultait l’adolescence et ses tourments et qui lui avait valu le Prix Louis-Delluc du premier film et un hommage de Jeanne Moreau lors de la cérémonie des César, voilà aujourd’hui Tomboy. Un deuxième film, qu’on pourrait croire, comme beaucoup de deuxièmes films, plus ambitieux, voire plus prétentieux. Et pourtant non. C’est avec la même humilité que la jeune réalisatrice nous parle de cette petite fille, Laure, dix ans, qui vient d’emménager dans une nouvelle résidence en banlieue parisienne et se fait passer pour un garçon, prénommé Michaël, auprès de sa nouvelle bande d’amis.

Pourquoi ? Personne ne le sait vraiment. Peut-être sur un coup de tête, en réponse au « T’es nouveau ? » que lui lance la première fille qu’elle rencontre. Ou peut-être pour des raisons plus profondes. Après tout, peu importe. Céline Sciamma ne cherche pas à donner d’explication, encore moins à porter un jugement sur le comportement de son personnage. De même que trouble de l’androgynie du début, très vite dissipé, n’est pas l’enjeu dramatique du film. La réalisatrice s’intéresse plus à la façon dont son personnage va devoir gérer avec ce mensonge (qui, au fond, pourrait s’avérer être une vérité) dans sa relation aux autres, à sa nouvelle bande de copains dont elle adopte les habitudes et les attitudes (jouer au foot sans T-shirt, cracher pour se donner un semblant de virilité) pour appartenir au groupe. Une situation de plus en plus inconfortable, qui la fait douter de tout, à commencer d’elle-même.

En filmant à hauteur d’enfants, Céline Sciamma réalise une œuvre magnifique, légère dans sa tonalité, grave dans les thèmes qu’elle aborde. A la façon d’une chronique familiale et intimiste,  elle aborde avec sensibilité et pudeur les troubles identitaires de cette petite fille pleine d’incertitudes. Et par la même occasion évite tous les écueils du mélo psychologique sur l’enfance. Avec la distance nécessaire, la caméra de Céline Sciamma capte des instants charnels et des émotions fugaces chez ses gamins coincés entre l’innocence de leur enfance et leur envie de jouer aux grands. Un film entre réalisme et poésie, sublimé par la lumière de cet été où tout semble possible.

Avec son regard à la fois doux et obstiné, Zoé Héran donne intensément corps à ce personnage mal dans sa peau, laissant penser que, finalement, les enfants ne sont pas moins complexes que les adultes. A ses côtés, sa petite sœur, Jeanne (Malonn Lévana), vraie petite princesse, qui accepte de jouer le jeu, toute fière qu’elle est d’avoir enfin un grand frère pour la défendre, est stupéfiante de naturel. Et la relation entre les deux filles de donner vie à de purs moments de délicatesse. Quant à Sophie Cattani (vue notamment dans Je suis heureux que ma mère soit vivante de Claude et Nathan Miller), elle interprète avec justesse la mère, dont la première réaction face au double jeu de sa fille peut paraître d’une violence injustifiée, mais qui s’avère finalement compréhensive, considérant qu’à une semaine de la rentrée des classes, il n’y a pas d’autre solution que de dire la vérité…

Avec Tomboy, Céline Sciamma livre un film en état de grâce, lumineux et intelligent, qui prouve que le jeune cinéma d’auteur français a encore des choses passionnantes à raconter, notamment lorsqu’il est porté par des femmes (Mia Hansen-Love, Léa Fehner, Rebecca Zlotowski ou Katell Quillévéré, pour ne citer qu’elles).

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Tomboy, de Céline Sciamma

avec Zoé Héran, Malonn Lévaran, Sophie Cattani, Mathieu Demy

Sortie le 20 avril 2011

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