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Mes Nuits Américaines
12 avril 2011

Rabbit Hole, drame d'un classicisme puissant

Rabbit_HoleAprès les excentricités de ses deux premiers films, John Cameron Mitchell nous livre, avec Rabbit Hole, une œuvre à fleur de peau, portée par une Nicole Kidman plus bouleversante que jamais.

Rabbit Hole. Le terrier. Celui où Howie et Becca préfèrent s’abriter plutôt que d’en sortir et revoir la lumière du jour. Car huit mois après la mort de leur petit garçon de quatre ans, renversé par une voiture juste devant chez eux, le couple a toujours autant de mal à refaire surface. Le premier trouve du réconfort en maintenant présent le souvenir de l’enfant (à travers les vidéos, les jouets, le siège auto), quand la seconde, en prise avec un sentiment de culpabilité et une obligation de souffrance, préfère se réfugier dans une solitude têtue. Deux attitudes à l’opposé l’une de l’autre qui ne peuvent faire autrement que mettre à mal leur union… D’autant plus lorsque Becca se lie d’amitié avec le jeune lycéen à l’origine de l’accident, dont elle comprend le poids du remords qui pèse sur ses épaules.

A l’origine, Rabbit Hole est une pièce de l’écrivain David Lindsay-Abaire, récompensée d’un prix Pulitzer et qui fut un véritable succès sur la scène new-yorkaise en 2006. Le projet de son adaptation, porté par Nicole Kidman, est tombé dans les mains du sulfureux John Cameron Mitchell, ami de tous les comédiens qui jouaient la pièce à Broadway. Loin de l’originalité extravagante de ses deux précédents films, Hedwig And The Angry Inch et Shortbus, John Cameron Mitchell choisit ici, pour mettre en images ce questionnement sur la douleur, la culpabilité et le manque et le compromis, une réalisation d’un classicisme puissant. Une forme qui pourrait paraître convenue si elle ne pointait pas du doigt, au-delà des stéréotypes habituels des mélos pleurnichards, le chaos qui règne derrière le calme des apparences de ce petit monde bien ordonné.

Photographie soignée, mouvements de caméra maîtrisés, mise en scène sans accrocs, ce Rabbit Hole a quelque chose des machines hollywoodiennes les plus sobres et les plus efficaces, s’effaçant devant son sujet et laissant avec subtilité la place aux émotions intenses. Car le film est aussi un des plus sensibles de ce début d’année. Brassant des émotions souvent retenues avec difficulté, parfois déversées avec excès, alternant moments de silence et disputes à grands cris, Rabbit Hole est une œuvre intimiste, délicate et émouvante, où le drame est contrebalancé par quelques instants amusants et libérateurs, notamment les scènes de dialogues entre Becca et sa mère, qui a elle aussi perdu son fils, mort d’une overdose. 

Face à Aaron Eckhart toujours juste, Nicole Kidman, actrice et productrice, est tout simplement bouleversante en mère fragile et meurtrie, cachant sa douleur derrière une distance apparente. Après quelques grosses productions sans grand intérêt (A la croisée des mondes, Australia, Nine), elle retrouve ici l’aura d’une actrice de grand talent, digne héritière de toute une lignée d’icônes hollywoodiennes.

Et curieusement, en quelques films, celle qui a vu ses deux enfants adoptifs, Isabella et Connor, s’éloigner d’elle pour la Scientologie après sa séparation avec Tom Cruise, a tissé un lien cinématographique étrange et fascinant avec l’enfance. Dans Les Autres (2001), l’espagnol Alejandro Amenabar fait d’elle une mère solitaire, dont le mari est parti au front, obligée de protéger ses deux enfants, atteints d’une maladie rare, de la lumière du jour. Trois ans après, Jonathan Glazer, dans Birth, la confronte à un petit garçon de 10 ans qui dit être la réincarnation de son mari décédé et qui entreprend de la séduire part tous les moyens. Dans Invasion (2007) d’Oliver Hirschbiegel, remake de L’invasion des profanateurs de sépultures, elle partait au secours de son fils en week-end chez son père, alors que le monde est en proie à d’étranges phénomènes d’origine inconnue.

A ses côtés, le jeune Miles Teller, la gueule abîmée à cause d’un accident de voiture où il a failli y laisser la vie (tiens, le parallèle avec le film est là aussi troublante…) apporte cette dose de pudeur nécessaire et d’autant plus touchante qu’elle a de quoi ébranler quelques certitudes chez nos deux protagonistes.

Film sur la perte d’un enfant, expérience cruelle qui transforme à tout jamais les parents, Rabbit Hole vous retourne silencieusement et durablement.

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Rabbit Hole, de John Cameron Mitchell

avec Nicole Kidman, Aaron Eckhart, Miles Tellers

Sortie le 13 avril 2011

rabbit_hole

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