Harvey Milk

17 mars 2009

Le nouveau film de Gus Van Sant, pour lequel Sean Penn vient de remporter l’Oscar du meilleur acteur et Dustin Lance Back celui du meilleur scénario, emprunte des chemins traditionnels pour faire le portrait bouleversant d’Harvey Milk, militant de la cause homosexuelle dans les années 1970.

Après quatre films sur l’adolescence au style esthétisant et expérimental, Gus Van San revient avec son nouveau film à un cinéma mainstream plus traditionnel à mi-chemin entre la contemplation d’Elephant et le conventionnalisme d’A la rencontre de Forrester. Le film retrace les huit dernières années de la vie d'Harvey Milk, celui qui fut, dans les années 70, le premier homme politique américain ouvertement gay à être élu à des fonctions officielles, à San Francisco en Californie. Un documentaire, The Times of Harvey Milk, de Robert Epstein, récompensé par l’Oscar du meilleur documentaire en 1985, lui avait déjà été consacré. Le projet d'un film de fiction a longuement mûri dans l’esprit de Gus Van Sant, qui y songeait dès les années 1990, projet qu’il a dû abandonner un temps. En découvrant le scénario de Dustin Lance Black, jeune réalisateur et scénariste né en 1979, par le biais de Cleve Jones, ancien compagnon de combat d’Harvey Milk, Gus Van Sant se relance sur le sujet. A travers ce film, c’est toute une époque, tout un combat que recrée ici Gus Van Sant par un subtil mélange entre fiction et images d’archives. En retraçant ces huit années qui ont tout changé pour une communauté qui n’en était pas vraiment une, le réalisateur va bien au-delà du simple récit en recréant l’atmosphère contestataire des années 1970 et le San Francisco multiculturel d’alors. Biopic d’envergure à l’américaine qui ne tombe jamais dans l’hagiographie, le film brille par la performance époustouflante de Sean Penn, qui incarne Harvey Milk avec tact et force. Gus Van Sant porte sur cette histoire un regard à la fois détaché, lucide et en même temps rempli de colère. Sa manière, pleine de modestie, d’accepter les codes de la biographie cinématographique, sans toutefois laisser de côté l’originalité de mise en scène qui fait son talent, force le respect. Jouant sur plusieurs plans à la fois, Gus Van Sant transcrit avec subtilité les rapports entre ses personnages, tout en retraçant avec force, sans jamais pour autant rien asséner, le combat politique de Milk. L’histoire avance avec finesse et nuances, inexorablement, à la manière d’une tragédie classique dont on sait déjà l’issue fatale. Mêlant sensibilité et militantisme, le film surprend sans cesse. On sort de là avec l’envie de foutre un grand coup de pied dans le cul de tous les conservatismes moraux qu’on nous impose au détriment de la liberté. Car le sujet n’est pas tant la lutte des homosexuels que la lutte tout court. (Thomas Lapointe)

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