Présenté en ouverture d’Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes, Restless, le nouveau film de Gus Van Sant, surprend par sa touchante simplicité.
Finie, la tétralogie conceptuelle Gerry-Elephant-Last Days-Paranoid Park. Depuis Harvey Milk, Gus Van Sant est décidément passé à une autre étape de sa filmographie. Le voilà peut-être plus proche des schémas classiques du cinéma américain, et pourtant, il ne cesse d’approfondir les thèmes qui lui sont chers depuis son tout premier film, Mala Noche, en 1985 : la jeunesse, l’amour et la mort.
Depuis qu’il a perdu ses parents dans un accident de voiture, Enoch squatte les enterrements d’inconnus plutôt que d’aller au lycée, quand il ne joue pas à la bataille navale contre son seul ami, Hiroshi, fantôme d’un kamikaze japonais de la Seconde Guerre mondiale. C’est lors d’une cérémonie funèbre qu’il croise le regard de la douce et pétillante Annabel, une passionnée d’ornithologie, en phase terminale de cancer. De cette rencontre nait une touchante histoire d’amour vouée à finir bientôt, la mort rôdant à l’horizon tout proche.
D’emblée, Restless ne s’impose pas comme un grand film. Mélodrame hollywoodien au classicisme convenu, que le réalisateur a toutefois su marqué de son empreinte personnelle au point d’en faire oublier très vite les ficelles dramaturgiques, il est pourtant la preuve du talent de GVS pour varier de registres et d’intentions, et pouvoir s’aventurer dans des recoins encore inexplorés pour en tirer d’étonnantes merveilles.
Film en mode mineur, Restless excelle justement par sa modestie. Grâce à la magnifique photographie signée Harris Savides, collaborateur de GVS de longue date, le film baigne dans une douce atmosphère, tout à la fois tristement grise et délicatement lumineuse. Bercée par les mélodies folk d’Elliot Smith (parti trop vite lui aussi), la mise en scène, toute en demi-teinte, capte avec finesse le tumulte amoureux qui éclot sous l’apparente évanescence. Les émotions, discrètes et retenues, affleurent sans pathos aucun. Au contraire, c’est avec une grande légèreté que Gus Van Sant filme la fulgurance d’un baiser ou l’amorce d’un geste amoureux.
Plein de candeur et d’innocence, le film est à l’image de ses deux adolescents, brillamment interprétés par deux jeunes comédiens de talent. Rôle principal et pourtant trop effacé de l’Alice au Pays des merveillesde Tim Burton, puis reléguée au second plan dans The Kids Are All Right, Mia Wasikowska trouve enfin ici un rôle à la mesure de son talent. Avec sa coupe à la garçonne façon Jean Seberg, et sa bouille plus que charmante, la jeune actrice semble avoir de beau jour devant elle. Elle est ainsi la Jane Eyre d’une nouvelle adaptation du roman de Charlotte Brontë, signée Cary Fukunaga (Sin Nombre), qui sortira sur les écrans français le 4 janvier prochain.
A ses côtés, le tout jeune Henry Hopper, fils du géant Dennis récemment disparu, fait ici ses débuts sur grand écran. Malgré son physique gracile et enfantin et ses allures de dandy, ses tourments intérieurs le poussent à se renfermer sur lui-même, à se complaire dans une (presque) solitude morbide (n’oublions pas son ami le fantôme), si ce n’était sa rencontre avec la fée Annabel.
Armés d’un appétit pour la vie déconcertant, les deux tourtereaux font face à la mort avec une étonnante lucidité qui rend leur amour d’autant plus bouleversant. Et Gus Van Sant de continuer, film après film, à sublimer l’adolescence dans une mélancolie mortifère.
Singulière histoire d’amours adolescentes, Restless est un film certes imparfait mais véritablement envoûtant.
Avec son nouveau film tant attendu, Terrence Malick a fait parler dans les chaumières. The Tree Of Life, épopée métaphysique, est quelque chose d’étonnant et de bouleversant. A découvrir absolument, même si ça ne plaira pas à tout le monde.
Le monde est divisé en deux catégories. Ceux qui vont adorer The Tree Of Life, et ceux qui vont le détester. Quoiqu’il existe aussi une troisième catégorie pour ceux qui vont l’adorer et le détester tout à la fois. En tout cas, le nouveau film de Terrence Malick ne laissera personne indifférent. Hué et applaudi en projection à Cannes lundi 16 mai, le film tant attendu a ému autant qu’il a déçu.
Les rumeurs annonçaient déjà la présence du film au Festival de Cannes l’année dernière. Mais c’était sans compter sur le perfectionnisme de Malick (quatre films en quarante ans, qui dit mieux ?) qui a jugé qu’il ne pourrait pas finir le montage à temps. Après un an d’attente et beaucoup d’excitation, voilà enfin le résultat : une épopée métaphysique aussi déroutante que grandiose.
Car Terrence Malick, avec ce film-somme, n’emprunte absolument pas les chemins bien tracés du film mainstream, contrairement à ce que la présence au casting de deux stars hollywoodiennes, Brad Pitt et Sean Penn, pourrait nous faire croire. Monumentale et visionnaire, The Tree Of Life désarçonne, par sa structure complexe faite d’éclats narratifs et son style visuel
Au cœur du film, l’histoire de Jack, l’aîné d’une fratrie de trois garnements, dans le Texas des années 1950. Tiraillé entre l’amour d’une mère douce et généreuse et l’autorité d’un père autoritaire obnubilé par la réussite, il développe une haine de plus en plus tenace envers son paternel. Dans une photographie à la beauté époustouflante signée Emmanuel Lubezki, Malick, pour qui tout se joue pendant l’enfance, met en scène une parabole sur la perte progressive des illusions et de l’innocence d’un petit garçon qui devient grand. Film sur la vie, la mort, l’amour, le deuil, The Tree Of Life est une chronique familiale qui prend la forme d’une quête spirituelle, métaphysique et poétique. Porté par les tourments intérieurs de ses personnages qui s’expriment sous la forme d’une somptueuse rhapsodie de voix chuchotées comme autant de prières et de questionnements à Dieu, le film ne s’offre pas de manière linéaire, mais forme une succession d’impressions, de sensations, d’incertitudes, de moments en suspens, d’instants impalpables, d’émotions indicibles, de silences et de non-dits, où s’exprime le conflit entre pulsion (nature) et raison (grâce).
Faisant de cette banlieue pavillonnaire un paradis perdu, en opposition à l’immensité et la froideur des buildings de verre et d’acier où erre le petit Jack devenu grand architecte, Terrence Malick continue de filmer avec grâce le lien charnel qui unit l’homme à la nature. Le vent s’engouffre par les fenêtres et fait s’envoler les rideaux, l’herbe devient terrain de jeux où l’on s’allonge, où l’on se bat, les arbres sont une deuxième maison, l’eau ruisselle sur les corps, le soleil les berce… The Tree Of Life est aussi un film sensoriel où le réalisateur capte et magnifie les effets d’une lumière sans cesse changeante.
Plus que Sean Penn (qui a vu son rôle diminuer comme peau de chagrin au fur et à mesure des montages successifs) ou que Brad Pitt (qui exprime avec force la frustration de ce père qui en devient violent), le film est véritablement porté par Jessica Chastain, dont c’est le premier grand rôle au cinéma, en mère troublante et troublée, beauté évanescente aux allures de vierge Marie. Et il y a cette poignée de gamins prodigieux et touchants (Malick en a auditionnés 10 000 avant de trouver les bons : Hunter McCracken, Laramie Eppler et Tye Sheridan), dont les sourires en coin, les moues tristes, les rires spontanés, les pleurs refoulés, les gestes effleurés ou les regards remplis de haine, de colère, de confiance ou d’espoir, en disent long sur la relation qui les unit. Autant d’instants d'intimité qui exacerbent l'amour et la douleur d'êtres perdus dans l'univers. Car chez Malick, le mystère profond du destin de ses personnages est guidé par quelque chose de plus grand qu’eux.
C’est ce qu’il met en image (et il y a une certaine audace à ça) dans la première partie du film. Epopée de la création du monde, allant de la formation de l’univers à l’apparition de la vie sur Terre jusqu’à l’extinction des dinosaures, ce prélude, qui a tout son sens dans la symphonie malickienne allant de l’infiniment grand (le big-bang initial) à l’infiniment petit (les rapports humains), prend aussi le risque de décontenancer. Les critiques ont d’ailleurs tôt fait d’ironiser sur les plans type « Jurassick Park », « Yann Arthus Bertrand », « Ushuaia Nature » ou « fond d’écrans Windows », mais cela ne dit finalement pas grand-chose du cinéma de Malick. Des séquences contemplatives du cosmos réalisées grâce au spécialiste des effets spéciaux de 2001, l’odyssée de l’espace, Douglas Trumbull, qui a utilisé produits chimiques, peinture, teintures fluorescentes, fumée, liquide, dioxyde de carbone pour créer un univers spatial, mental et onirique sublime, porté par le Requiem de Berlioz, côtoient ainsi des envolées lyriques sur les merveilles naturelles que recèle notre planète, volcans en fusion, chutes d’eau vertigineuses, forêts immenses et déserts infinis.
Film de peu de mots, au récit ténu et à la dramaturgie habituelle oubliée, The Tree Of Life exprime avant tout la virtuosité d’un cinéaste qui ne s’exprime qu’avec son langage à lui, la lumière, les sons et la musique (signée Alexandre Desplat), le cinéma en somme. Cet arbre de vie hors norme restitue toutes les dimensions de l’existence et se ressent comme un éblouissement face à la beauté du monde. Et Malick, démiurge du septième art, de repousser toujours plus loin les frontières du cinéma.
Présenté à un Certain Regard au dernier Festival de Cannes, Et maintenant, on va où ? a reçu une mention spéciale du Prix du Jury œcuménique. Rien de plus normal pour un film qui prône la paix entre les religions sous la forme d’une comédie désopilante et toujours juste.
Après son savoureux Caramel qui suivait les destins croisés de plusieurs générations de femmes dans un institut de beauté, la réalisatrice libanaise Nadine Labaki s’attache aux femmes d’un petit village perdu dans les collines avec pour seul lien avec la civilisation un pont qui menace de s’écrouler depuis les derniers conflits. Malgré l’isolement du lieu où chrétiens et musulmans vivent en harmonie depuis des années, arrivent de la ville les échos de tensions religieuses qui refont surface. Pour distraire leurs maris et leurs fils et leur faire oublier leurs différences, les femmes du village, à l’imagination débordante, sont prêtes à utiliser tous les stratagèmes possibles, de la troupe de danseuses russes à l’exotisme sensuel jusqu’au space cake version libanaise…
Le sujet est grave, évidemment, mais il donne pourtant lieu à une comédie truculente, grâce au talent de la réalisatrice pour croquer des personnages fantaisistes, dont elle exagère les traits de caractère de façon presque caricaturale, sans pour autant tomber dans le ridicule.
Ca hurle à tout-va, ça rie à gorge déployée, ça chante même comme dans un film de Jacques Demy. Mais ça pleure aussi. Et ça se bat. Car toute la réussite du film tient à ses audacieuses ruptures de tons, qui font se côtoyer avec justesse des moments de pure comédie à l’italienne avec des vrais instants de tragédie (grecque ?), où la colère et l’émotion l’emportent.
Fable tendre, poignante et féministe, Et maintenant où on va ? pourrait paraître un rien consensuel au premier abord, avec son discours du type « aimez-vous les uns les autres ». Et pourtant, Nadine Labaki va plus loin. Sans toutefois nier à chacun le droit de croire à sa religion, il y a tout de même dans ces parenthèses burlesques l’idée que la religion n’est décidément pas la solution. Les femmes du village n’y croient d’ailleurs peut-être plus beaucoup, à ces religions qui n’apportent que du malheur et dont les enfants (leurs enfants) sont souvent des victimes collatérales. Alors, pour s’attaquer au cœur du problème et prendre en main leur destin, c’est le sérieux de leurs maris qu’elles tournent au ridicule, c’est des certitudes de la religion dont elles se moquent. Et en tournant en dérision les conflits interconfessionnels, la réalisatrice de tendre à la société libanaise un miroir dans lequel se reconnaitre…
Entre colères et fous rires, Et maintenant où on va ? est un film résolument optimiste, qui fait du bien par où ça passe.
Présenté en Ouverture du Festival de Cannes, où Woody Allen a toujours refusé de participer à la Compétition, Minuit à Paris n’est pas un film parfait, mais on y prend pourtant un plaisir fou.
Avec son nouveau film, Minuit à Paris, Woody Allen poursuit sa tournée des villes européennes, et après Barcelone (Vicky Cristina Barcelona) et Londres (Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu), et avant de partir à Rome, le voilà qui pose ses caméras dans les rues, avenues, boulevards, parcs, cafés et musées de la Ville-lumière, une ville qu’il aime de cet amour presque imaginaire. Et plus encore que dans ses deux précédents films, Paris n’est pas ici un simple décor, mais un personnage à part entière, surtout lorsqu’à minuit, la capitale réveille ses fantômes d’autrefois.
Gil (Owen Wilson) est venu passer quelques jours à Paris avec sa future femme Ines (Rachel MacAdams) et ses beaux-parents. Tandis qu’elle préfèreflâner dans les boutiques chics, lui, écrivain en panne qui gagne sa vie à coups de scénarios hollywoodiens écrits à tour de bras, cherche l’inspiration dans le décor enchanteur et pittoresque de la capitale. Où quand la vision idyllique de la bohème à la française (imaginez-le prononcer avec un accent anglais) qui sait profiter de la vie, a du mal à s’accorder avec celle, plus empressée et pied-à-terre, de la réussite à l’américaine. Et quand, au cours des escapades nocturnes de notre bonhomme, sonnent les douze coups de l’horloge, le charme de la ville opère et le voilà qui, au détour d’une rue, se retrouve dans le Paris des années 20.
Oui, Minuit à Paris compile on ne peut plus de clichés sur la capitale. Mais, d’une part, on ne peut pas tant reprocher à Woody Allen de faire dans la carte postale, car Paris est une carte postale à elle toute seule. Et de temps en temps, cela fait aussi du bien de se faire avoir par cette vision idéalisée de la ville, d’y reconnaître des lieux et de pouvoir dire « je connais, j’y étais ! ». D’autant plus lorsque ce Paris familier baigne dans une ambiance désuète, nostalgique et finalement si confortable, bercée par des mélodies au piano et des airs de jazz à la trompette. Une atmosphère typiquement allenienne qui a fait les délices de ses chefs-d’œuvre new-yorkais (Manhattan, Annie Hall ou Hannah et ses sœurspour ne citer qu’eux). Oui, avec Minuit à Paris, on retrouve ce cinéma où l’on se sent bien.
D’autre part, Woody Allen, en faisant le choix d’une fable hors du temps qui prend les atours d’une rêverie intime et fantastique, assume avec humour (voyez-le placer dans la même phrase la Sorbonne, la brasserie Lipp et le château de Versailles) cette conception idéale d’un âge d’or que lui et son personnage, qui finalement ne font qu’un, auraient aimé connaître. Et que lui, grâce au cinéma, et son personnage, fuyant un présent insatisfaisant, sont à même de créer ou de recréer, au gré de leur imagination, pour finalement s’y perdre ou s’y prendre au piège.
Au hasard de ses échappées belles, Gil croise ici et là bon nombre de figures du monde littéraire et artistique des années 20, (attention, namedropping) de Scott Fitzgerald à Ernest Hemingway, en passant par Gertrude Stein, Pablo Picasso, Cole Porter, Salvador Dali, Man Ray, T.S. Eliot, Luis Buñuel, Djuna Barnes, j’en passe et des meilleurs. Tant d’étrangers venus, comme notre héros, trouver l’inspiration à Paris, alors foyer artistique riche et foisonnant.
Et pour donner vie à ce monde fantaisiste et fantasmé, magnifié par les lumières de Paris, Woody Allen nous offre sur un plateau d’argent un casting plus qu’alléchant, mi-américain, mi-français. Rachel McAdams (qu’on se réjouit de retrouver enfin, malgré ce rôle plus énervant tu meurs) et Marion Cotillard (qui fait du Marion Cotillard sauce américaine - comprendre : aucune nuance dans son jeu) font tourner la tête (mais pas de la même manière) à un Owen Wilson sincèrement attachant et délicatement drôle dans ce double de Woody Allen (qui aurait trente ans de moins). Autour d’eux, dans des petits rôles, on croise la superbe Kathy Bates, l’hilarant Adrien Brody, l’insupportable Michael Sheen et la prometteuse Alison Pill, donnant la réplique à nos petits français embarqués dans l’aventure : Gad Elmaleh, Léa Seydoux et l’inévitable (mais néanmoins mauvaise) Carla Bruni (on passera sur les accolades inutiles entre le réalisateur et notre Président sur le tournage pour tenter de ne pas discréditer le film…)
Car avec cette philosophie du « c’était mieux avant », Minuit à Paris est unemadeleine de Proust qui se déguste avec délectation, unpetit plaisir presque coupable qui fait du bien par où ça passe.
Minuit à Paris, de Woody Allen
avec Owen Wilson, Rachel McAdams, Marion Cotillard
Alors que le dernier film de Gus Van Sant, Restless, fait l’ouverture de la section Un Certain Regard au Festival de Cannes, Mediacult revient sur le parcours prolifique, et finalement atypique, de celui qui est aujourd’hui considéré comme l’un des grands noms du cinéma américain. Atypique, car si depuis le succès (et la Palme d’or) d’Elephant en 2003, les filmsde Gus Van Sant (GVS pour les intimes) ont fait les beaux jours des aficionados du cinéma d’auteur sauce US, le réalisateur, né dans le giron du cinéma indépendant des années 80, n’en est pas moins passé par la case « studios hollywoodiens » le temps de quelques films. Un constant va-et-vient qui lui a sans cesse permis de renouveler sa vision cinématographique.
Né en 1952, Gus Van Sant se passionne très tôt pour la peinture, puis pour la pellicule. Ado, avec sa caméra super 8, il tourne quelques petits court-métrages amateurs. Après des études à la Rhode Island School of Design et quelques voyages en Europe, il débute à Los Angeles, en 1976, comme assistant de production, avant de travailler quelques années à New York dans le monde de la publicité. De plus en plus mal à l’aise dans le monde dans lequel il évolue, GVS s’installe en 1985 à Portland, qui devient alors son fief artistique, et où il tourne la même année son premier long-métrage, Mala Noche.
Artiste aux talents multiples, GVS peint depuis l’adolescence, a écrit un roman (Pink), composé deux albums, publié un recueil de photographies (108 Portraits) et réalisé plusieurs vidéoclips (pour David Bowie, Red Hot Chili Peppers, Tracy Chapman, Elton John, Hanson) entre l’esthétique du cinéma indé des années 80 et le style très pop de MTV.
Influencé par l’héritage de la contre-culture américaine des années 60 et 70, la littérature de la Beat Generation (William Burroughs et Allen Ginsberg sont au cœur de plusieurs de ses courts-métrages) et la scène indépendante des années 80, Gus Van Sant révèle, en quatorze longs-métrages et presque autant de courts-métrages, ses douces obsessions : jeunesse, solitude, marginalité, errance, (homo)sexualité, mort... Plongée dans un univers indéniablement poétique, souvent mélancolique et parfois psychédélique.
MALA NOCHE(1985) : "I WANNA SHOW THIS MEXICAN KID THAT I'M GAY FOR HIM"
Premier long-métrage de Gus Van Sant, Mala Noche a été réalisé en 1985 en dehors de l’industrie cinématographique traditionnelle. Tourné avec un budget de 20 000 dollars, avec 3 techniciens, des acteurs non-professionnels et la plupart du temps sans autorisation, le film est l’adaptation d’un récit autobiographique signé Walt Curtis, que GVS a rencontré sur le tournage de Property de Perry Allen, où lui était ingénieur du son et Curtis l’acteur principal. Mala Noche raconte l’histoire d’amour non-réciproque d’un Américain blanc trentenaire pour un immigré clandestin mexicain d’à peine 20 ans.
Mêlant des situations dramatiques à l’histoire d’une passion (aussi unilatérale soit-elle), le film contient en germe tous les thèmes de l’œuvre de GVS : jeunesse, marginalité, homosexualité, errance… mais aussi ses figures esthétiques, entre l’expressionnisme américain (façon Orson Welles) et le cinéma moderne de la contre-culture : fascination pour les cieux nuageux ou pour les routes sans fin. Le choix du noir et blanc, s’il résulte évidemment de raisons économiques, est aussi le fait de choix esthétiques, à l’époque où il connait un renouveau chez quelques grands noms du cinéma (Manhattan de Woody Allen, 1979, Raging Bull de Martin Scorsese et Elephant Man de David Lynch, 1980). Malgré une sortie très confidentielle, Mala Noche révèle aux critiques un nouveau réalisateur prometteur à une époque où émerge une nouvelle scène indépendante américaine, notamment marquée par l’arrivée de Jim Jarmusch qui réalise ses premiers films au début des années 1980. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en 2006, le film était jusque-là resté inédit en France.
DRUGSTORE COWBOY (1989) : "SOONER OR LATER, YOU PAY THE PRICE"
Pour porter son deuxième film, Gus Van Sant fait appel à Matt Dillon, révélé en 1983 dans Outsiders et Rusty James de Francis Ford Coppola et alors considéré comme un jeune espoir du cinéma américain, avant de connaître pendant quelques années une traversée du désert. Grâce à sa présence, GVS obtient toutefois un budget cent fois supérieur à celui de Mala Noche.
Dans Drugstore Cowboy, Matt Dillon est à la tête d’un groupe de camés qui dévalise les drugstores de Portland pour subvenir à leurs besoins en drogues et en argent. Adapté d’un roman de James Fogle (qui se trouvait en prison au moment du tournage pour cambriolage de drugstore…), le film traite une nouvelle fois de la marginalité et révèle Gus Van Sant aux milieux indépendants (le film remporte cinq Independent Spirit Awards). Si l’influence des deux films de Coppola se fait sentir, Drugstore Cowboy s’inspire bien plus de La Fureur de vivre de Nicholas Ray, où James Dean incarne une nouvelle vision de la jeunesse, perdue, mélancolique, orpheline, délaissée, plutôt que libre, inconsciente, transgressive et héroïque.Une adolescence souffrante que l’on retrouvera dans quasiment tous les films de GVS.
MY OWN PRIVATE IDAHO (1991) : “WHEREVER. WHATEVER. HAVE A NICE DAY”
Premier scénario imaginé et écrit par Gus Van Sant, My Own Private Idaho est aussi son film le plus personnel. A Portland, Mike (River Phoenix, Coupe Volpi du meilleur acteur au Festival de Venise), homosexuel, forcé de se prostituer pour survivre, souffrant de narcolepsie, et n’ayant pour seule obsession que de retrouver sa mère, tombe amoureux de son ami Scott (Keanu Reeves), un hétérosexuel rebelle qui vend son corps à des hommes pour humilier son père, le maire de la ville. Des routes de l’Idaho aux rues de Rome, les deux hommes partent à la recherche de leur véritable identité… Road-movie queer, My Own Private Idaho joue de la vision clichéique de l’Amérique, ses grands espaces, ses routes sans fin, ses diners, fixé dans l’imaginaire par quelques grands noms de la photograhie (Dorothea Lange, Ansel Adams, William Eggleston), dont GVS se sert pour créer son propre univers cinématographique au sein duquel il parle à nouveau d’homosexualité et de marginalité. Tour à tour shakespearien (toute une partie du film est une adaptation du Henry 4 de Shakespeare) ou documentaire (GVS y intègre de vrais témoignages de tapins des rues de Portland), My Own Private Idaho s’inscrit dans une généalogie de l’avant-garde homosexuelle, notamment grâce à la présence, dans un second rôle, d’Udo Kier, un acteur allemand qui fréquente la Factory d’Andy Wahrol avant de tourner pour Fassbinder. La route, leitmotiv vansantien, tient évidemment un rôle majeur dans ce film : ne débouchant nulle part et ne connectant rien à rien, elle mène le road-movie dans une impasse.
EVEN COWGIRLS GET THE BLUES (1993) : "I DON’T LIVE ANYWHERE IN PARTICULAR. I JUST KEEP MOVING"
Avec Even Cowgirls Get The Blues, Gus Van Sant adapte un roman complètement barré de Tom Robbins.L’histoire d’une jeune femme (Uma Thurman) affublée de deux pouces géants, qui fait de ce défaut physique un atout, en devenant la meilleure autostoppeuse au monde. Partie à New York pour devenir mannequin, la voilà qui se retrouve dans un ranch de l’Oregon entourée par une bande de cowgirls qui semble avoir un truc contre l’hygiène. Western résolument féminin, voire féministe, Even Cowgirls Get The Blues s’inspire de quelques femmes de caractères (et elles sont rares) du western : Denise Darcel et Lenore Lonergan dans Convois de femmes (William Welman, 1951) ou encore Barbara Stanwyck dans Quarante tueurs (Samuel Fuller, 1957), premier personnage féminin de l’histoire du western à être à la tête d’un gang de hors-la-loi. Mais le film est un bide monumental, tant auprès des critiques que du public. Uma Thurman se retrouve même nommée comme pire actrice aux Razzie Awards en 1995… Seule la théoricienne du cinéma et féministe lesbienne B. Ruby Rich, qui inventa dans les colonnes de Sight and Sound le terme de New Queer Cinema, y vit enfin un film qui attaque les codes traditionnels de la narration hétéronormée. Avec ce film un rien particulier, GVS clôt une première étape de sa carrière, marquée par l’économie et l’esthétique du cinéma indépendant américain des années 1980-1990, où le réalisateur met en scène des personnages en marge de la société, marginaux, vagabonds, homosexuels… Even Cowgirls Get The Blues est à la fois la quintessence de ce modèle et en même temps sa propre destruction. Gus Van Sant ressent alors le besoin de faire quelque chose de différent…
PRÊTE A TOUT (1995) : "NOTHING IS GONNA STOP HER"
Première incursion de Gus Van Sant à Hollywood (le film est produit par la Columbia), Prête à tout est l’adaptation d’un roman de Joyce Maynard, lui-même inspiré d’une histoire vraie, celle de Pamela Stuart, accusée d’avoir séduit un garçon de quinze ans et de lui avoir demandé de tuer son mari. Ici, Pamela Stuart devient Suzanne Stone (Nicole Kidman), femme ambitieuse et prête à tout pour devenir une star du petit écran. Satire du monde des médias, le film prend les atours d’une comédie à la Billy Wilder (la scène finale est d’ailleurs un clin d’œil évident à celle de Sunset Boulevard). Et contrairement aux précédents films de GVS, Prête à tout met en scène un personnage sûr de lui, qui sait qui il est, d’où il vient, ce qu’il fait et où il va, là où d’autres se questionnaient sur leur identité ou leurs origines. Ne s’exprimant qu’à travers les phrases du langage télé, Suzanne Stone est une bavarde comme on en trouve peu dans les films de GVS. Et Nicole Kidman, séduisant le jeune Joaquin Phoenix et lui demandant de tuer son mari, de tisser un lien étrange avec l’enfance qui se poursuivra dans Les Autres (Alejandro Amenabar, 2001), Birth (Jonathan Glazer, 2004) et récemment Rabbit Hole (JohnCameron Mitchell, 2010).
WILL HUNTING (1997) : "I DON’T KNOW, BUT I KNOW"
Plus grand succès commercial de Gus Van Sant, Will Hunting est à nouveau une commande de studio (Miramax), un film d’apprentissage typiquement hollywoodien dans lequel GVS parvient à parler des thèmes qui lui sont chers. Will Hunting (Matt Damon), un jeune rebelle qui passe son temps à chercher la bagarre et fait le ménage la nuit au prestigieux MIT, se révèle être un génie caché des mathématiques. Mais pour contrôler sa violence et accepter ses talents, on l’envoie consulter un psychologue (Robin Williams). La grande question du film étant : comment, quand on est jeune, peut-on trouver sa place dans la société et sa véritable identité ? Nommé neuf fois aux Oscars, le film en remporte deux : Robin Williams est sacré meilleur acteur dans un second rôle, tandis que Matt Damon et Ben Affleck remportent celui de meilleur scénario original.
PSYCHO (1998) : "I HATE WHAT SHE’S BECOME"
Voilà sans doute le projet de GVS le plus étrange. Remake plan par plan du célèbre film du même nom d’Alfred Hitchcock datant de 1960, Psycho est un objet filmique non identifié. Pourtant rien de plus traditionnel dans l’histoire d’Hollywood que le remake, mais ici GVS en fait quelque chose de radical, proche de l’art contemporain, puisque le processus de création est totalement différent : le réalisateur ne s’inspire pas de l’histoire original pour pondre sa propre version actualisée, mais reproduit exactement les mêmes plans, de la même longueur, avec les mêmes angles et mouvements de caméra, les mêmes dialogues, la même musique (signée Bernard Hermann), le tout tourné en 37 jours comme l’original. Mais à cela, GVS vient ajouter des variations minimes mais notables : la couleur (ce sang rouge !), les nouvelles technologies (pour corriger les quelques maladresse d’Hitchcock) et quelques plans presque subliminaux sur des ciels orageux au moment des meurtres, comme des accrocs dans la toile du film. Produit par Universal qui y voyait un moyen de faire découvrir aux nouvelles générations un chef d’œuvre en noir et blanc du maître du suspense, Psycho est pourtant un film conceptuel réalisé avec tous les moyens d’un film hollywoodien (stars, budget, techniciens), qui permet à GVS d’envoyer un message fort à l’establishment hollywoodien, en exposant sa logique consistant à faire de l’argent toujours avec les mêmes recettes.
A LA RENCONTRE DE FORRESTER (2000) : "WHERE ARE YOU TAKING ME ?"
Pur mélodrame stéréotypé et hollywoodien, A la rencontre de Forrester est certainement le film le moins personnel de Gus Van Sant, bien qu’il touche à nouveau à la jeunesse et à la solitude, que GVS a sans doute accepté pour retrouver une part de succès après l’échec de Psycho. Tout comme Will Hunting, dont il pourrait être une variation, ce film d’apprentissage suit le parcours de Jamal, un jeune noir qui vit dans un quartier pauvre du Bronx et se révèle être un écrivain prometteur, aidé par un vieil auteur, célèbre pour l’unique livre qu’il a écrit et qui vit désormais reclus dans son appartement et observe le monde derrière ses jumelles et ses rideaux. Rien de très passionnant, si ce n’est un générique de début hautement poétique, fait de scènes du quotidien tournées dans les rues du Bronx de façon presque documentaire… A la rencontre de Forrester marque la fin de la période hollywoodienne de Gus Van Sant (du moins, jusqu’à Harvey Milk), qui souhaite alors retourner vers un cinéma beaucoup plus libre et personnel.
GERRY (2002) : "HOW DO YOU THINK THE HIKE’S GOING SO FAR ?"
Gerry opère un changement radical dans la carrière de Gus Van Sant et prend le contrepied total de sa période hollywoodienne, comme si le réalisateur retournait à un état primitif du cinéma. Variation post-moderne d’En attendant Godot de Samuel Beckett, Gerry met en scène deux amis perdus dans l’immensité du désert, testant leurs limites physiques et leur amitié. Et c’est tout. Film expérimental, hypnotique et minimaliste, à l’image de la musique d’Arvo Pärt qui l’accompagne, Gerry a été présenté dans les festivals du monde entier, et malgré une sortie confidentielle aux Etats-Unis, a reçu le soutien des critiques. Et de JohnWaters qui a déclaré : « Ne couchez pas avec quelqu’un qui n’aime pas ce film ». Avec ses très longs plans séquences et ses très lents travellings sur la nature, le désert et le ciel, Gerry est un film sur le temps et sur l’utilisation du temps au cinéma. Car le montage, en plus d’une construction du sens du récit, est aussi une construction du temps du récit. Or, ici, très peu de coupe, le film nous force à observer le passage du temps, la déambulation titubante devant le lever de soleil de nos deux personnages… Une esthétique singulière et contemplative inspirée du travail du cinéaste hongrois Bela Tarr et de ses films métaphysiques Damnation (1987) et Satantango (1994) ou encore du film expérimental de Michael Snow, La Région centrale (1970), où une caméra plantée au sommet d’une colline au milieu d’un désert canadien explore, en de longs panoramiques, avec différentes focales et à différentes heures du jour l’intégralité de l’espace qui l’entoure. Le film ne sort en France qu’après le succès (et la Palme d’or) d’Elephant, quand MK2 comprend que GVS est sur le point de redevenir un cinéaste-auteur.
ELEPHANT (2003) : "SOME HEAVY SHIT’S GOING DOWN"
Vainqueur de la Palme d’or et du Prix de la Mise en scène au Festival de Cannes en 2003, Elephant marque le début de la troisième carrière de Gus Van Sant et sa véritable reconnaissance en tant qu’auteur-réalisateur du cinéma mondial. Inspiré du massacre du lycée Columbine, qui avait déjà donné lieu à un brûlot signé Michael Moore contre le port d’armes, le film de GVS est une ode esthétique et nihiliste sur l’adolescence, faite de longs plans séquences et de lents travellings. Inspiré dans sa mise en scène par un téléfilm du même nom réalisé par Alan Clarke pour la BBC en 1989, Elephant est une réflexion sur le temps : chaque personnage, suivi par la caméra aérienne de GVS, possède sa propre temporalité et son trajet est un des multiples chemins à emprunter à travers les labyrinthiques couloirs du lycée, rappelant ceux tout aussi labyrinthiques et dangereux de l’Overlook Hotel dans Shining de Stanley Kubrick. On retrouve également du Kubrick dans cette vision d’une jeunesse désillusionnée et violente façon Orange Mécanique. Ou encore dans l’humiliation qui pousse à la violence et à la folie façon Full Metal Jacket. Mais s’il est un film qui a inspiré GVS, c’est bien Jeanne Dielman, 23 quai du commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Ackerman, l’histoire, filmée en temps réel, d’une femme dans ses activités du quotidien, qui reçoit des hommes à qui elle vend ses charmes. Mais le jour où l’un d’eux la fait jouir, elle le poignarde. Tout comme dans Elephant, c’est de la banalité du quotidien toujours répété et un jour perturbé qu’éclate la violence.
LAST DAYS (2005) : "IT’S A LONG LONELY JOURNEY FROM DEATH TO BIRTH"
Retraçant les derniers jours d’une rock star qui attend la fin dans son immense demeure de Portland, Last Days devait clore une trilogie du réalisateur consacrée à la jeunesse et à la mort, avant qu’il ne décide de la poursuivre avec Paranoid Park. Pour incarner son personnage, Michael Pitt s’est évidemment inspiré, aussi bien dans son physique que dans son comportement, de la figure mythique de Kurt Cobain, leader de Nirvana, qui s’est suicidé à l’âge de 27 ans. L’acteur a d’ailleurs composé plusieurs morceaux pour la bande originale du film. Une nouvelle fois Gus Van Sant emploie les mêmes dispositifs de mise en scène (longs plans séquences et lents travelings) mais d’une manière plus radicale encore. Tout comme dans Elephant, des séquences entières du film sont répétées d’un point de vue différent, mais cette fois-ci, d’un point de vue à l’autre, les changements sont conséquents : différence de rythme, d’action, de dialogue… Un parti pris qui exprime les expériences intérieures de chacun des personnages qui vivent dans leur propre univers mental et perçoivent le monde extérieur chacun à leur façon.
PARANOID PARK (2007) : "NOBODY’S EVER READY FOR PARANOID PARK"
Après Last Days, Gus Van Sant, à nouveau sacré comme cinéaste indépendant, voulait se rapprocher des studios hollywoodiens, et développe deux projets, How Starbucks Saved My Life, avec Tom Hanks, et The Time Traveler’s Wife, tous deux abandonnés. C’est alors qu’il découvre le roman d’un jeune écrivain de Portland, Blake Nelson, qu’il décide d’adapter. Paranoid Park suit le chemin d’Alex, un jeune skater, qui tue accidentellement un agent de sécurité près d’un des skate-park les plus dangereux et les plus malfamés de Portland. Récompensé du prix du Soixantième anniversaire du Festival de Cannes, le film joue d’une chronologie fragmentée qui devient moteur narratif, puisque sa construction repose sur le principe de la réminiscence et du souvenir. Prenant place dans l’univers des adolescents et du skateboard, Paranoid Park convoque évidemment les films de Larry Clark (Kids, 1995, Wassup Rockers, 2004) ou de Catherine Hardwicke (Thirteen, 2002, Lords of Dogtown, 2004). Mais là où tous deux voient l’adolescence comme un âge brutal et vitaliste, Gus Van Sant la magnifie dans une atmosphère de mélancolie mortifère.
Harvey Milk est un film qui trotte dans la tête de Gus Van Sant depuis le milieu des années 90. Un temps prévu avec Robin Williams en tête d’affiche, un temps avec Oliver Stone au scénario, le projet est toutefois abandonné, avant de revoir le jour lorsque Gus Van Sant découvre le script d’un jeune réalisateur canadien, Dustin Lance Black, qui à cette occasion remporte un Oscar. De son côté, Sean Penn remporte celui de meilleur acteur pour son interprétation d’Harvey Milk, premier homme politique ouvertement homosexuel à être élu à des fonctions officielles en Californie, à la mairie de San Francisco en 1977. Connu comme le maire de Castro, le quartier gay de la ville, il se battit pour la reconnaissance des droits des homosexuels, et notamment contre une proposition, soutenue par son opposante Anita Bryant, interdisant l’accès à l’enseignement aux homosexuels. Un combat qui lui coûta la vie puisqu’il fut abattu par un de ses collègues, Dan White, en 1978. Harvey Milk avait déjà fait l’objet d’un documentaire signé Rob Epstein en 1985, The Times of Harvey Milk, récompensé de l’Oscar du meilleur documentaire. Si l’œuvre de GVS s’inspire souvent de d’histoires vraies (Prête à tout, Gerry, Elephant, Last Days…), le lien avec la réalité se fait souvent de plus en plus distant. Or, ici, Gus Van Sant apporte un soin particulier à la reconstitution de l’ambiance de l’époque et à la retranscription de l’enchainement des évènements. Mêlant images de fiction et images documentaires, souvent détournées de façon ironique et humoristique, à la manière des activistes gays ou féministes, Harvey Milk rencontre une multitude d’échos. Personnels d’abord, puisqu’en 1991, Gus Van Sant s’était lui-même ouvertement opposé à une proposition visant à interdire l’accès à l’enseignement aux homosexuels dans l’Oregon. Contemporains ensuite, puisqu’à la sortie du film en 2008, la Californie s’apprêtait à voter la proposition 8, visant à interdire le mariage entre deux personnes du même sexe, proposition contre laquelle se sont engagées nombre de stars hollywoodiennes. Enfin, plus largement, l’histoire d’Harvey Milk fait écho à l’élection d’Obama : tous deux issus d’une minorité (gay/noire) font face à une conservatrice puritaine (Anita Bryant/Sarah Palin), tandis que la même année, Josh Brolin (Dan White) incarne Georges W. Bush dans le W. d’Oliver Stone.
RESTLESS (2010) : "DIFFERENT CAN BE GOOD"
Dernier film de Gus Van Sant en date, présenté en ouverture de la section Un Certain Regard à Cannes, Restless suit la rencontre entre deux adolescents obsédés par la mort (Annabel, malade en phase terminale, et Enoch, qui passe son temps se rendre aux enterrements) et le fantôme d’un pilote kamikaze japonais de la Seconde Guerre mondiale. Etrange histoire dans laquelle on retrouve pourtant les obsessions de GVS, la jeunesse et la mort. Film de studio produit par la Columbia, Restless n’en emprunte pas moins une esthétique et une atmosphère de film indépendant où l’on retrouve la touche mélancolique du réalisateur. La sortie française est prévue pour le 21 septembre. En attendant, Gus Van Sant s’est déjà attelé à son prochain projet, une adaptation du roman psychédélique de Tom Wolfe, The Electric Kool-Aid Acid Test, dont le scénario sera à nouveau signé Dustin Lance Black. Mais a aussi pour projet de mettre en scène un des premiers scandales gays, adapté par l’écrivain Michael Cunningham, l’histoire d’hommes des YMCA de Portland, qui, en 1912, fraternisaient avec de jeunes garçons…
L’autoroute qui relie Assomption à Buenos Aires. Un camionneur doit conduire une femme qu’il ne connaît pas. La femme n'est pas toute seule. Elle a un bébé. 1500 kilomètres restent à parcourir.
Avé de Konstantin Bojanov
Parti de Sofia, Kamen se rend en stop à Ruse. Sur la route, il rencontre Avé, une jeune fugueuse de 17 ans, qui lui impose sa compagnie. A chaque nouvelle rencontre, Avé leur invente des vies imaginaires et y embarque Kamen contre son gré. D’abord excédé par Avé et ses mensonges, Kamen se laisse troubler peu à peu…
17 filles de Delphine et Muriel Coulin
Dans une petite ville au bord de l’océan, dix-sept adolescentes d’un même lycée prennent ensemble une décision inattendue et incompréhensible aux yeux des garçons et des adultes : elles décident de tomber enceintes en même temps. Ce film est inspiré d’un fait divers survenu en 2008
Sauna on Moon de Zou Peng
Canton, vitrine de l’ouverture et des réformes: aux thermes Sauna on Moon, les affaires sont au point mort. Avec ses employées, M. Wu, le gérant, poursuit son rêve de bâtir un « royaume du plaisir » avec philosophie, effort et optimisme. Suite à un très particulier "défilé de mode", M. Wu pleure de joie en voyant enfin le succès récompenser ses efforts. Entretemps, certaines de ses employées démissionneront, d’autres seront arrêtées, d’autres encore resteront à ses côtés pour de meilleurs lendemains…
The Slut (Hanotenet) d’Hagar Ben Asher
Tamar, belle jeune femme de 35 ans, vit seule avec ses deux fillettes. Toutefois, elle ne peut refréner son appétit sexuel et se donne à plusieurs hommes du village. Shai, un jeune vétérinaire, revient s’installer dans la région et tombe rapidement sous le charme de Tamar. Une relation amoureuse naît rapidement entre eux. Mais Tamar pourra-t-elle se contenter d’un seul partenaire ?
Snowtown (Les Crimes de Snowtown) de Justin Kurzel
Jamie, 16 ans, vit avec sa mère, dans une banlieue marginale où règnent violence, chômage, et abus sexuels. Tout change lorsque John Bunting débarque dans leurs vies. Il est charismatique, passionnant et Jamie l’admire comme le père qu’il n’a pas connu. Totalement sous son charme, il mettra du temps à comprendre que son mentor est un tueur en série, le plus dangereux qu’ait connu l’Australie…
Take Shelter de Jeff Nichols
Curtis La Forche mène une vie paisible avec sa femme et sa fille quand il devient sujet à de violents cauchemars. La menace d'une tornade l'obsède. Des visions apocalyptiques envahissent peu à peu son esprit. Son comportement inexplicable fragilise son couple et provoque l'incompréhension de ses proches. Rien ne peut en effet vaincre la terreur qui l'habite...
Courts et moyens métrages
Alexis Ivanovitch, vous êtes mon héros de Guillaume Gouix
Alex et Cerise s’aiment d’un amour joyeux. Un après-midi, autour d’un verre en terrasse, Alex est agressé devant Cerise, et la peur l’empêche de réagir. Alors que Cerise fait de cette histoire une simple anecdote, Alex la vit comme une réelle humiliation. Et si son amour-propre le faisait passer à côté du bonheur ?
Black Moon d’Amie Siegel
Remake conceptuel du film de Louis Malle (1975), Black Moon, de l’artiste américaine Amie Siegel, se déroule dans le paysage d’apocalypse des habitations anéanties par la crise immobilière. Des femmes révolutionnaires traversent les terribles séquelles d'une guerre – ruines étrangement récentes d'un avenir qui jamais n’exista.
Blue de Stephen Kang
Autrefois, BLUE était une mascotte en peluche pour enfants à la télé. Aujourd’hui, il est serveur dans un restaurant asiatique et essaie de garder son travail. Il sourit tout le temps quand il sert ses clients. Parfois des gens le reconnaissent, mais c’est rare. Un jour il reçoit une mauvaise nouvelle.
Boy de Topaz Adizes
Un garçon de 10 ans passe une journée avec son père et fait l’expérience d’un rite de passage qui le changera à jamais.
Finis Operis (Bul-Myul-Ui-Sa-Na-Ie) de Moon Byoung-gon
Un jour pluvieux, un vieil homme solitaire s’évertue à bricoler une mystérieuse installation au plafond.
Dimanches de Valéry Rosier
Les dimanches et l’homme face au temps qui passe. Le temps libre qu’on tente de remplir à tout prix. Que l’on observe passer, avec rire ou avec ennui.
In Front of the House de Lee Tae-ho
Pour leur premier rendez-vous, Hyung-ju a préparé un pique-nique pour sa petite amie Yeon-hee et a acheté des billets pour un parc d’attraction. Mais Yeon-hee reste distante et finit par s’en aller. Réalisant qu’il a oublié de lui donner son pique-nique, il décide de la suivre.
La inviolabilidad del domicilio se basa en el hombre que aparece empunando un hacha en la puerta de su casa d’Alex Piperno
Dans le jardin d’une résidence secondaire en banlieue se succèdent une série d’évènements qui impliquent un homme, une femme et un groupe d’individus ayant certaines convictions.
Junior de Julia Ducournau
Justine, dite Junior, 13 ans, des boutons et un sens de l’humour bien à elle, est un garçon manqué un brin misogyne. Alors qu’on lui a diagnostiqué une gastroentérite fulgurante, le corps de Junior devient le théâtre d’une métamorphose étrange...
Permanências de Ricardo Alves Júnior
A l’intérieur, l’air est plus dense.
SEANCES SPECIALES
Film d’Ouverture
La guerre est déclarée de Valérie Donzelli
Un couple, Roméo et Juliette. Un enfant, Adam. Un combat, la maladie. Et surtout, une grande histoire d'amour, la leur...
Film de Clôture
Pourquoi tu pleures ? de Katia Lewkowicz
A quelques jours de son mariage, un jeune homme qui n’en a pas l’habitude se retrouve confronté à des décisions cruciales. Face à sa fiancée qui a disparu, face à la fille qu’il vient de rencontrer, face à sa belle-famille dont il ne comprend pas la langue, face à sa mère, sa sœur, ses potes et même aux ouvriers sur le chantier de son futur appartement, il doit trancher. Mariage ou passion, passé familial ou futur conjugal, pétales ou dragées, tout va y passer.
Séance du 50e anniversaire
My Little Princess d’Eva Ionesco
Hannah et Violetta forment un couple hors du commun : mère insaisissable et fillette en quête d'amour maternel, artiste fantasque et modèle malgré elle. Lorsqu’Hannah demande à sa fille si elle veut être son modèle, tout bascule dans la vie de Violetta qui vivait jusque là avec sa tendre grand-mère. D’une enfance banale elle devient égérie du milieu branché parisien ...
Séance spéciale
Mourir auprès de toi de Spike Jonze & Simon Cahn
La nuit tombe, un vieux libraire parisien ferme sa petite boutique. Les personnages des couvertures de livres disposés sur les étagères se réveillent. Une histoire d'amour naît entre Mina (la fiancée de Dracula) et le squelette de Macbeth.
Walk Away Renée de Jonathan Caouette
En compagnie de sa mère, Renée, qui souffre d'importants troubles mentaux, le réalisateur Jonathan Caouette entreprend un voyage à travers les Etats-Unis, pour la déménager de Houston à New York. Les obstacles qu'ils rencontrent sur leur route sont entrecoupés de retours dans le temps qui donnent un aperçu de cette relation mère-fils hors du commun. A travers un montage musical et parfois psychédélique, alternant réalité et imaginaire, Walk Away Renée traite de l'amour, du sacrifice et de la perception de la réalité qui nous entoure.
INVITATIONS
La Collection CANAL+
À l’abri de Jérémie Lippman
Un couple rentre de soirée. Dehors, un SDF grelotte. La fin d’un amour. Et en filigrane, l’hypocrisie quotidienne.
Bye Bye d’Edouard Deluc
Quelques jours avant Noel, Cécile est avec ses deux filles et apprend que son ex mari a refait sa vie. Une de leurs amies, Rosa, arrive et détend l’atmosphère. En une soirée, les erreurs refont surface et Cécile décide de faire peau neuve.
Dormir debout de Jean-Luc Perreard
Véronique se réveille sur le sol de son salon dévasté, c’est sa première crise de somnambulisme. Son univers parfait commence à se fissurer.
Je voulais vous dire de Romain Delange
Une actrice est troublée par notre regard sur elle. Au point de ne plus pouvoir jouer. Elle se confie alors à nous.
Le Premier Rôle de Mathieu Hippeau
Nathalie reçoit la visite d’un adolescent dans son bureau à Paris. Cela pourrait être un casting ordinaire, mais Gurvan a quelque chose de plus que les autres garçons.
Festival de Morelia
La Mina de Oro (The Gold Mine) de Jacques Bonnavent (Meilleur court métrage de fiction)
Betina, la cinquantaine, rencontre l’amour sur internet. Elle décide de quitter son quotidien monotone pour aller retrouver son fiancé virtuel de l’autre côté du pays.
Ponkina de Beatriz Herrera (Meilleur court-métrage d’animation)
Ponkina est une petite fille. Un matin, elle quitte sa maison pour aller faire une promenade dans la forêt. Une surprise l’y attend : un chat. Elle le persuade de devenir son ami et le ramène chez elle, sans réaliser les problèmes que cela va causer.
Busco empleo (Looking for a Job) de Francisco Valle R. (Mention spéciale)
Récemment licenciée, Mariana est à la recherche d’un nouvel emploi. Elle idéalise le monde de l’entreprise et voudrait en faire partie. Pendant les entretiens, elle apprend à se valoriser et reprend confiance en elle, qu’elle obtienne le poste ou pas.
Carne que recuerda (Flesh That Remembers) de Dalia Huerta Cano (Meilleur court-métrage documentaire)
Neuf parties de corps de personnes ayant souffert de changements irrévocables pendant l’année. Les animations des transformations des corps – croissance, changements esthétiques ou pathologiques – sont illustrées avec des témoignages et images de l’environnement des personnages.
Nisi Masa
1001 Days d’Olivier Jourdain & Zeynep Köprülü
Do You Really Love Me ? d’Alistair Cole, Leo Bruges, Pyotr Magnus Nedov